Notre précédent article traite des facteurs intérieurs et extérieurs, qui ont favorisé la constitution de l’EI. Il faut à présent chercher les perspectives viables pour éradiquer l’ennemi. La Coalition Internationale doit adopter une nouvelle dynamique pour infléchir la tendance actuelle. Il est impératif d’implémenter deux thématiques dans le futur plan : l’importance d’une solution politique et la prise en charge de toutes les populations civiles “sans exception”. Tenir compte des sensibilités de chacun, tout en appliquant la construction d’un nouveau système politique s’avère être un défi colossal dans cette zone de guerre.
L’inégalité quotidienne et la ferveur religieuse lient les membres djihadistes les uns aux autres et motivent leurs implications. La différence entre les combattants étrangers(tchétchènes, etc) et les autres tient dans l’échec de l’implantation de leur idéologie dans leur nation d’origine, ce qui alimente leur frustration et accentue leur brutalité ( Voir le débat sur le sort du pilote Jordanien). Ces hommes forment la base de la puissance de l’organisation terroriste. Il faut dès lors favoriser la mise en place de régimes représentatifs dans les nations frappées par ce conflit, pour saper le recrutement de l’EI. En Irak, les chiites monopolisent le pouvoir et forment l’essentiel des troupes. Les sunnites préfèrent vivre sous la coupe de l’État Islamique plutôt que d’accepter la loi de représentants tortionnaires. Rappelons que les régions sunnites se rebellent épisodiquement contre Bagdad depuis 2003 et l’EI canalise cette haine à son profit. La problématique diffère en Syrie, où les territoires conquis résultent des calculs de Damas pour affaiblir et discréditer la rébellion modérée. L’appui de l’Iran, de la Russie et du Hezbollah libanais permet à Bachar El Assad de tenir.
Cette instabilité permet à l’EI de prospérer et de mettre en place un système économique. Il se base sur la contrebande de pétrole et d’objets d’arts, les enlèvements ne comptent que pour 16% de leur finance. Le manque de traçabilité de ces circuits contrecarre toutes tentatives de neutralisation. La baisse mondiale du pétrole ne porte pas de coup aux finances de l’EI, la majorité de ses ressources étant des matières premières. Son économie se tourne essentiellement vers l’effort de guerre, les 2.9 milliards de dollars de revenu annuel s’avère plus que suffisant (Voir Reportage sur Arte).
La stratégie adoptée par la coalition internationale ne répond qu’à court terme, ne dégageant pour l’instant aucun plan à moyenne et longue échéance. Les frappes aériennes et l’embargo endiguent l’avancée des djihadistes, mais elles n’offrent aucune perspective pour les populations civiles. Ces dernières risquent au contraire de se rapprocher de l’EI.
Notre approche se compose de trois phases :
– la phase de fixation, lancée immédiatement, elle vise à arrêter l’avancée ennemi, endommager ses axes de ravitaillements et de communications ( Phase actuelle).
– la phase de récupération, elle se caractérise par la mise en place d’un gouvernement reflétant les ethnies de la nation concernée, et la formation de troupes respectueuses de l’autorité étatique. Il faut aussi accepter la mise en place d’une commission de réintégration des cadres de l’État Islamique n’ayant pas participé aux exactions. A l’extérieur, l’hypothétique constitution d’une force d’intervention pan-arabe regroupant chiite et sunnite donnerait l’exemple d’une coopération possible et durable entre les deux confessions et faciliterait la coopération des populations civiles. ( Phase partiellement réalisée)
– la phase d’exécution, elle commence par la reconquête territoriale, doublée par l’organisation d’un programme alimentaire et médical suivant l’avancée des troupes. (Phase militaire a l’essai)
La mise en place et l’exécution du projet s’étendent sur une décennie, il faut établir un nouveau rapport de confiance avec la population. Elle a subi les sévices en Irak d’un pouvoir soutenu par l’occident pendant plus d’une décennie, il sera difficile de faire oublier cela.
Actuellement, l’alliance n’effectue que partiellement notre approche et ce de manière désordonnée. La présence d’un régime pro-chiite à Bagdad ne provoque aucune réaction d’envergure des membres de la coalition. Pourtant, c’est cela qui a provoqué l’émergence de l’État Islamique. Il apparaît certain que si ce n’est pas corrigé, l’endiguement atteindra ses limites. De même, que l’armement de la minorité Kurde ne fait qu’ajouter un facteur de distension entre les différentes populations irakiennes, chacune ne pensant qu’à son intérêt. L’intégrité de l’Irak est plus que jamais en danger et la crise qui en découlerait serait bien pire que ce que nous avons actuellement. Cette partie irakienne de la guerre ne doit pas obérer la part syrienne du conflit. A la différence de l’Irak, l’État syrien résiste à la rébellion. Il reste à relativiser cela, certains membres de la coalition forment la résistance à la guerre. Nous sommes face à un choix, soutenir Bachar-El-Assad et ôter tout rêve du peuple syrien d’accéder à la démocratie à court terme, et ainsi écraser l’EI. L’autre option serait de choisir de soutenir la résistance, il faudra prendre son mal en patience face aux exactions de l’EI, le conflit n’en sera que plus meurtrier. Les alliés de Bachar ne laisseront pas l’occident s’en tirer à si bon compte.
Lors de sa nomination au sommet du pouvoir syrien, le jeune président a fait preuve d’ouverture d’esprit et avait entamé une démocratisation timide du régime. Les membres du cercle intérieur comme Rami Makhlouf n’avaient aucun intérêt à cela et il n’est pas exclut que le président syrien subisse diverses pressions à l’époque. Aujourd’hui, l’instinct de conservation de ces cercles doit les rendre plus conciliants. La main tendu vers Bachar ne serait-elle pas l’occasion d’un véritable coup de poker ?
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