De gauche à droite, Gazoducs russes en Ukraine, rencontre de Minsk II, Le président ukrainien inspecte l’armée durant un exercice, visite de Poutine lors de l’inauguration du pont reliant la Crimée à la Russie.
Berceau de la civilisation slave, ce jeune pays doit faire face au poids d’un passé le liant à la Russie et d’un futur le portant vers l’occident. Moscou prend ombrage de l’avancée de l’idéologie occidentale à Kiev et réplique par la force. L’Europe et l’O.T.A.N. font face à leur première crise majeure(1), depuis la guerre des Balkans. Des sanctions économiques et des discussions débouchent sur les accords de Minsk 2. Poutine a bien compris que nul sur le continent ne souhaite une guerre pour ce pays. Le dépeçage de l’Ukraine a débuté.
Il faut remonter le temps pour comprendre la réaction russe. La fin du régime communiste et de l’ UR.S.S. projette la Russie dans un monde sous tutelle américaine. Elle possède pour seules armes une économie en berne et une diplomatie orpheline de son empire. La libéralisation économique divise par deux son PIB et atteint des sommets avec la crise de 1998. Une occasion unique pour l’occident d’aider Moscou à surmonter le marasme a été perdu et cela ne sera pas oublié. Vladimir Poutine gravit les échelons durant cette période trouble et garde le souvenir de cet “abandon”, comme nombre de ses compatriotes. L’ennemi est toujours là et l’O.T.A.N. progresse dans les anciennes républiques soviétiques comme la Lituanie, la Pologne et la République Tchèque. Le soulèvement de Maidan et la mise en place d’un gouvernement pro-européen annoncent la fin d’une relation privilégiée avec le grand frère slave, dont la conclusion serait une adhésion à l’O.T.A.N. L’installation de bases américaines dans un pays frontalier de la Russie serait une première, rappelant les pires heures de la guerre froide. L’annexion de la Crimée et la création d’un foyer d’instabilité dans le Donbass contrecarre tout projet futur en ce sens. Sur le plan intérieur, l’appel au sentiment patriotique et les conquêtes permettent d’améliorer en partie l’image du pouvoir et de justifier les sacrifices (2). Au vu des enjeux, la situation ne risque guère de s’envenimer. Les canaux diplomatiques fonctionnent de manière remarquable. L’invasion n’a pas été en profondeur et l’ambiguïté de la guerre dans le Donbass, où la présence de soldats réguliers n’a pas été officiellement reconnu, peut laisser penser à un soulèvement pro-russe. Dans les faits, des éléments inféodés à Moscou ont pénétré cette région et soutenu des organisations indépendantistes.
La réponse occidentale paraît bien mince, avec son lot de condamnations et de sanctions économiques. La Russie n’est plus celle de l’après guerre froide, elle a étoffé sa diplomatie. Au Proche-Orient, l’intervention a sauvé la Syrie de la dislocation et en a fait un acteur incontournable. En Europe, le Kremlin est devenu un partenaire indispensable de par sa fourniture en gaz. Un affrontement avec Moscou aurait des conséquences désastreuses sur ces dossiers et Poutine en joue. Il sait jusqu’où il peut aller, à la limite de l’invasion en bonne et due forme. Fin 2018, une nouvelle crise éclate en mer d’Azov, et affiche à nouveau l’impuissance de l’Europe. Plus qu’un drame européen, la crise ukrainienne est un avertissement dont il faut rapidement tirer les enseignements. Il ne faut pas oublier qu’il reste sur le vieux continent une dictature communiste, la Biélorussie. Si le régime de Minsk fait face à un soulèvement similaire, la crise ukrainienne paraîtra dès lors comme une répétition avant le clou du spectacle.
(1) La crise géorgienne de 2008 marque les esprits par l’intervention russe et l’usage de la force. Sa dimension et ses répercussions ne sont pas du même ordre que la crise ukrainienne. Il s’agit pourtant d’une première depuis l’invasion de la Tchétchénie.
(2) L’appel au réflexe patriotique ne pourra être exploité sur le long terme. Il exacerbe les sentiments nationalistes sur le moment, mais les difficultés de la vie quotidienne ont tôt fait de rappeler les russes à la réalité.