Depuis plus de cinquante ans(1) aucun conflit n’avait mobilisé un si grand nombre d’acteurs. La révolte syrienne, amorcée en 2011, de par sa durée et la complexité de son développement en font un des affrontements les plus imprévisibles de ces dernières décennies. Le contexte intérieur reflète l’histoire de cette nation influencée par un grand nombre de cultures. Carrefour de civilisations, ce pays affiche une grande diversité ethnique et religieuse. Le parti Baas dirige cette État depuis 1970 en usant d’un savant mélange de nationalisme, de clientélisme et de peur. L’État syrien se pose en garant de la stabilité et protecteur des minorités.
Répartition ethnico-religieuse de la population syrienne
Le printemps arabe ne connait pas le même dénouement en Syrie. La réussite en Tunisie, en Libye et en Egypte a joué dans l’imaginaire des syriens et leur a fait croire à une issue brève. C était sans tenir compte de la pugnacité du régime, qui a résisté sans intervention extérieur majeure jusqu’à la fin 2015. En fin d’année, les russes décidèrent d’intervenir pour soutenir une armée régulière au bord de l’effondrement. L’appui technique de l’Iran et humain du SBOLA ne faisant que repousser l’inéluctable.
Carte des frappes russes et de la répartition des différents acteurs
Loin d’être la première ingérence extérieure, cette intervention du Kremlin démontre sa volonté de maintenir et même d’étendre son influence dans la région. Par extension, cette politique fait partie d’un processus de réaffirmation mondiale. La localisation de la Syrie permet d’avoir une position centrale au proche-orient(2). La guerre civile actuelle, avec l’inaction des grandes puissances, offre une opportunité unique pour Poutine d’être incontournable dans cette partie du monde. Les relations approfondies(3) avec l’Iran, renouvelées avec la Turquie et la continuité des contacts avec Israël manifestent des prétentions russes. L’assaut sur Alep et la destruction de son système médical prouve à quel point cette nation est sure de sa force.
Dans ce cadre, quel avenir pour la Syrie ?
Il nous faut tenir compte des belligérants possédant des forces sur place et voir quelles sont leurs perspectives à long terme. Il y a donc cinq forces principales :
- Les Kurdes, ces derniers ont conquis des terres auparavant sous contrôle de l’État Islamique. Une entente de fait avec le régime permet la conservation de ces territoires. L’intervention Turque en août 2016 hypothèque l’avenir d’une région autonome. Sans un appui extérieur, il y a fort à parier que les kurdes perdront rapidement leur indépendance.
- Les djihadistes, ils représentent la force hors loyaliste la plus forte. Parmi la myriade d’armées religieuses, l’État islamique et l’ex Front Al-Nostra en sont les plus puissants représentants. L’un et l’autre se vouent une haine farouche et ils se font la guerre. L’EI ne transige avec personne et souhaite exterminer tout ceux qui s’opposent à lui. Quand à l’ancienne filiale d’Al-Qaïda, elle a évolué dans son fonctionnement afin de rallier des groupes rebelles plus modérés. Cependant cette opposition s’étiole avec le temps, une fusion des deux organismes a terme, loin d’être improbable, permettrait l’émergence du plus puissant des acteurs sur le terrain.
- Le régime Syrien apparaît comme le gagnant du conflit. L’intervention Russe offre une véritable bouffée d’oxygène et conforte Damas. La conquête prochaine d’Alep signerait la fin définitive des rebelles et garantirait la survie du régime.
- L’intervention d’Erdogan en Syrie intervient après l’échec de sa politique étrangère(4) . Le soutien a l’État islamique n’a pas permis la défaite des al-Assad et des kurdes. Ankara souhaite s’approprier une partie des territoires syriens en jouant sur l’absence d’État. La survie de Bachar et des Peshmerga contraint la Turquie à l’intervention pour ne pas finir la partie sans acquis. Ces prises dans un futur proche risquent de provoquer un conflit avec l’État syrien, les kurdes pourraient de nouveau en profiter ?
- Les rebelles ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Bien que modéré à l’amorce du conflit, le manque de victoire rapide les a jeté dans les bras des branches les plus extrémistes. Cet été, ils n’auraient pu lancer une contre-offensive à Alep sans l’aide de l’ex front Al-Nostra(5). La perte de la capitale économique syrienne marquerait la fin de la rébellion avec la suppression de sa plus grande base.
- La coalition occidentale endigue l’avancée des djihadistes, mais démontre son inefficacité à soutenir les rebelles. L’absence de conviction pèse sur la politique de l’alliance, qui se montre incapable d’impacter le cours des évènements.
Une partie d’Alep avant et après le début du conflit
La fin de la rébellion modérée et l’intervention russo-turque marque la clôture de la première phase du conflit de “guerre pour/contre la révolution”. L’objectif premier de la révolte d’abattre la dictature est un échec, désormais seul un acteur extérieur pourra décider du dénouement. Un nouveau chapitre s’ouvre pour décider qui va récolter la Syrie.
(1)La crise de Suez en 1956 est le dernier conflit ayant rassemblé un si grand nombre de belligérant. Pour plus d’informations : http://education.francetv.fr/matiere/epoque-contemporaine/troisieme/video/la-crise-du-canal-de-suez-en-1956
(2)La Russie a signé de nouveaux accords avec Damas concernant l’extension de sa base de Tartous, et l’implantation définitive de sa base aérienne de Hmeimin. Moscou possède à ce jour une présence militaire dépassant celle des occidentaux. Voir http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/14/base-aerienne-permanente-russie-syrie/
(3)La stratégie diplomatique russe consiste simplement au remplacement des USA dans la région, puis par une normalisation des relations diplomatiques avec les grandes nations du proche-orient. Pour plus d’informations voir :
- Pour la Turquie, http://www.20minutes.fr/monde/russie/1906419-20160809-president-turc-erdogan-rend-russie-renouer-poutine
- Pour Israël, https://fr.rbth.com/international/2016/07/28/envers-et-contre-tout-25-ans-de-relations-entre-la-russie-et-israel_615829
- Pour l’Iran, http://www.france24.com/fr/20160818-russie-iran-alliance-syrie-poutine-rohani-diplomatie-realpolitik-assad-lorrain-interview
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